jeudi 12 juillet 2007

To the best beloved

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Olga, le soleil baisse et le soir nous incline

A gravir côte à côte , et pensifs, la colline.
L'automne a fait lever, décor de la saison,
Du souvenir en nous l'étrange floraison,
Humain froment pétri d'ivraie, humble mélange :
La gangue et l'or, l'arbre et le ver, la bête et l'ange.
La meule est déjà prête et veut notre moisson.
Nous avons, étourdis par l'épaisse boisson,
Aux périls de la chair aventuré notre âme :
Ranimons, attentifs, en nos cendres la flamme,
Brûlons d'un feu plus pur, aux fêtes de l'esprit
Convions un amour que les ans ont mûri.
Je suis le triste lot devenu ton partage,
Tes pleurs secrets, ta vaine attente et ton courage,
Tes goûts sacrifiés et tes obscurs labeurs,
Ta chambre sans parfums et ton jardin sans fleurs.
Je te vis replier, sous des souffles hostiles,
Sur tes espoirs déçus des ailes inutiles.
Aveugle, j'ai laissé s'embrumer ton destin,
Ingrat, je ne t'ai pas fait place à mon festin.
J'ai laissé ton pied nu s'écorcher à l'épine,
Tes doigts saigner, comme ton coeur, à l'églantine
Pour le commun bonheur cueillie, et d'un banal
"Ce n'est rien", en chantant, dissimuler ton mal.
L'injustice du "juste", en sa candeur cruelle,
N'aura pas éclairé la maison paternelle
D'où la hâte, l'humeur brusque, la dureté
Ont trop souvent banni la chaude intimité.
Pardonne, ô mieux-aimée, à mes inconsciences,
A mes fautes, à mes erreurs, à mes silences.
Olga, je n'ai pas su dérouler sous tes pas
Bénis de doux tapis fleuris et je n'ai pas
Pour parer ta beauté posé le diadème
Royal sur tes cheveux, ni tressé le racême
Odorant pour ceindre ton front, ni su semer
Sur ton chemin les perles de la joie : aimer,
Pourtant c'était cela. S'il est trop tard, si l'heure,
Impitoyable, veut qu'en cet état demeure
Ici bas simple ébauche un amour incomplet,
En d'autres horizons notre foi se complaît.
Ecoute : un chant lointain... Regarde : au bord du monde
Poindre un soleil nouveau. Enfin le jour inonde
Ce qui commence ici pour s'achever ailleurs
Nos échecs, nos combats, nos larmes, nos frayeurs.
Viens du suprême Amour exaucer la prière
Et, la main dans la main, entrer dans la lumière.

Théodore Monod

A pied et à chameau
Sables et cailloux, Adrar, février-mars 1948
(Extrait de Monsieur Monod, Nicolas Vray, Actes Sud)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

"Olga, le soleil baisse et le soir nous incline
A gravir côte à côte , et pensifs, la colline."

"J'ai laissé ton pied nu s'écorcher à l'épine,
Tes doigts saigner, comme ton coeur, à l'églantine"

Voici les strophes de Théodore Monod que je préfère : les plus simplement descriptives ... Toute la poésie d'un monde de minéraux et d'âmes mutiples (végétales ou animales-humaines) vient parcourir soudain ses vers...

Merci chère Violette, de nous faire découvrir ce talent de poète du grand voyageur disparu...

L'Aiguille au Fil du Temps a dit…

Ce poème est dédié à son épouse (qui brodait au pied d'un arbre en attendant le retour de son voyageur !) et je le trouve très émouvant... J'aime beaucoup la première strophe également.

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